Je reviens vers Johnny. Il retourne toujours à ses sources, le blues, le folk, le rock. La fidélité à soi-même fait d'une vie, un destin. Je ne me suis pas quitté moi-même et le seul avantage de ma vie est de détenir une certaine cohérence. Mes amours demeurent mes amours.

Je ne sais pas trop ce qu'est l'amour dans les prés, parce que je ne saisis pas vraiment ce que veulent toutes ces personnes. Leur degré de sincérité m'est insondable. Tout se mélange. J'imagine des hommes qui racontent des histoires et des jeunes femmes qui montrent des photos de vacances sans intérêt. Ils sont tous fardés, comme pour une présentation à la cour. C'est pareil en ville, sans vaches. Tout est conventionnel mais déconcertant.

Revenons aux amours enfantines, sur un plage, à l'ombre d'un bateau échoué. On joue, on parle et parfois on se donne un chaste baiser. Dans ces rapports, tout est gratuit. La prestance est réduite à son minimum. Il n'y a pas d'exigence sexuelle ou financière, ni même sociale. On est bien ensemble et on jouit de l'instant. Certes, les vacances passent, le paradis terrestre s'éclipse et on se retrouve avec le souvenir d'un bonheur qu'on ne retrouvera peut-être jamais.

J'ai vu un film "Exotica Erotica ETC," d'Evangelina Kranioti. Une vieille prostituée, en fin de vie, parle de ce que furent ses amours fabuleuses avec des marins. Un vieux capitaine grec, parle en parallèle, en plus désabusé. Oui, tout n'est que souvenirs et peut-être leurres. Mais il y la mer, sombre et omnprésente, les bateaux comme des entrepôts menaçants. On ne voit que des caisses et des filles en talons hauts. C'est beau et terrible.

Nous sommes réduits à chercher un square où il y aurait des places à l'ombre. Nous en trouvons un, presque désert. Mais il y quelques enfants qui jouent, comme si la chaleur ne les concernait pas. Ils font du toboggan et du ballon. Plus de pères que de mères. Ces dernières arrivent plus tard. Beaucoup sont enceintes, avec des enfants petits. La démographie française se porte toujours bien.